Ils étaient des dizaines de milliers rassemblés face au stade des Martyrs à Kinshasa, pour le premier meeting du rassemblement de l’opposition, le premier aussi pour Etienne Tshisekedi. Le président de l’UDPS ne s’était pas exprimé devant une telle foule de partisans depuis 2011 et la dernière élection présidentielle.
Tous les partis et organisations membres du rassemblement étaient présents, avec des drapeaux de toutes les couleurs, UDPS bien sûr, G7, Dynamique de l’opposition, Alternance pour la République, G14 et même le mouvement citoyen la Lucha avait une banderole pour demander la libération de ses collègues en prison et de tous les prisonniers politiques.
L’esplanade s’est remplie peu à peu, avec des jeunes qui ne cessaient de répéter qu’eux n’avaient été payés pour être là. Référence aux accusations de l’opposition contre la majorité et à son meeting de vendredi 29 juillet.
D’autres militants décrivaient comment ils avaient dû venir à pied depuis les quartiers populaires, faute de bus. Des jeunes, mais aussi bon nombre de personnes âgées, tous venus pour entendre le message d’Etienne Tshisekedi. Ce qu’ils attendaient surtout, disaient-ils, c’est que le vieil opposant politique leur confirme que Joseph Kabila partirait bel et bien à la fin de son deuxième et dernier mandat.
Tshisekedi ovationné
Tous ces militants ont du attendre des heures, de 9h à 15h heure locale. L’opposant historique a comme toujours quitté son domicile escorté par des milliers de ses partisans qui sont venus grossir les rangs de ceux qui l’attendaient déjà.
Quelques mots d’abord hésitants, puis celui que l’on surnomme le « sphinx de Limete » a retrouvé sa verve, jouant avec le public, disant par exemple à propos de son arrivée, que certaines radios en avaient conclu qu’il n’y avait plus besoin d’élection, que c’était un plébiscite. Il a également demandé une minute de silence pour ceux qui souffrent, notamment à l’Est du pays. Pas respectée tant l’excitation était grande.
Puis Etienne Tshisekedi a surtout parlé d’un « préavis ». Un message adressé à son rival Joseph Kabila, assurant qu’il devait faire ses bagages le 20 décembre, à la fin de son deuxième et dernier mandat constitutionnel.
L’opposant a également exigé de la commission électorale la convocation du corps électoral fin septembre sous peine de haute trahison. « Comme à la présidence de la République, on ne respecte pas les règles fixées par la Constitution, il faudra que vous tous, vous vous preniez en charge », a insisté Etienne Tshisekedi, précisant qu’il ne fallait pas attendre d’« ingérences étrangères ».
Des mots particulièrement durs aussi à l’égard du facilitateur de l’Union africaine, Edem Kodjo, qualifié de « traître » et de « grand kabiliste ». Etienne Tshisekedi a confirmé que lui et le rassemblement de l’opposition le récusaient.
L’opposant historique a également posé la libération des prisonniers politiques comme un préalable à tout dialogue et dénoncé les accusations contre Moïse Katumbi, l’ex-gouverneur du Katanga, sous-entendant qu’il serait bientôt de retour.
Réaction des autorités
Lambert Mendé, porte-parole du gouvernement congolais, se dit « satisfait ». Il estime que le meeting s’est déroulé « aussi correctement que possible du point de vue de l’ordre public (…) C’est un défi que nous nous sommes donnés à nous-mêmes, explique-t-il, de faire fonctionne la vie démocratique ». Vendredi dernier, des dizaines de milliers de partisans du gouvernement se sont rassemblés dans la capitale pour témoigner leur soutien au président Kabila.
Lambert Mendé a qualifié « d’excès de langage » les propos tenus par Etienne Tshisekedi sur Edem Kodjo. Des propos « incompréhensibles » car selon le porte-parole, « c’est lui [Etienne Tshisekedi, ndlr] qui a insisté pour qu’il y ait une facilitation internationale ».
A propos du « préavis » lancé à la commission électorale pour convoquer le corps électoral au plus tard le 19 septembre comme le prévoit la Constitution, Lambert Mendé estime qu’Etienne Tshisekedi n’a « aucune qualité » pour en décider, déplorant « une conception personnelle de l’Etat » et ajoutant que « seule la Céni a le pouvoir de convoquer le corps électoral, et elle nous a déjà informés qu’elle ne le fera que lorsqu’elle aura elle-même constitué le fichier ». Et d’ajouter, « à l’impossible nul n’est tenu ».
De son côté, la police congolaise s’est une fois de plus félicitée du comportement de ses hommes malgré quelques provocations, mais elle s’est réjouie que ce meeting ait pu se dérouler dans le calme. Selon la PNC, quelque 10 000 militants seulement se sont réunis pour écouter le discours d’Etienne Tshisekedi.
RFI