La République démocratique du Congo, qui regorge de matières premières, s’apprête à réviser son code minier jugé trop favorable aux capitaux étrangers, pour que son économie profite aussi de l’envolée des cours du cobalt et du cuivre.
Le boom mondial des batteries de smartphones et de voitures électriques a provoqué une flambée des prix du cobalt à 75.000 dollars la tonne (+127% en un an). Premier producteur mondial: la République démocratique du Congo.
La RDC est aussi le premier producteur africain de cuivre, qui s’échange sur le marché des métaux à Londres à plus de 7.000 dollars la tonne pour la première fois depuis trois ans et demi.
La production congolaise de cuivre a explosé de 27.000 tonnes en 2002 à plus d’un million de tonnes en 2016, indique le préambule du nouveau code minier. Du Katanga (sud-est) aux régions du Kivu (est) en passant par le Kasaï (centre), le sous-sol offre aussi à l’économie mondiale de l’or, du diamant, du coltan…
L’ex-Zaïre est souvent comparé à un « scandale » d’abondance géologique qui côtoie un autre scandale, la pauvreté d’une grande partie de ses 80 millions d’habitants.
Après bien des péripéties, le gouvernement congolais a présenté en décembre au parlement une révision du code minier datant de 2002 pour « faire des mines un véritable moteur de développement du pays », a déclaré le ministre des Mines Martin Kabwelulu, chargé du dossier depuis février 2007.
« L’ancien code de 2002 se voulait attractif pour les investisseurs parce que nous étions dans une situation de guerre », explique à l’AFP Henri Muhiya, du très influent épiscopat congolais. Une référence aux conflits qui ont ravagé la RDC de 1997 à 2003, notamment les régions minières de l’est.
« Nous nous sommes rendus compte que les investisseurs sont effectivement venus, mais que les bénéfices n’ont pas été répartis de façon équilibrée entre eux et le pays. On va essayer d’équilibrer », ajoute le secrétaire de la commission « ressources naturelles » de la conférence épiscopale, qui a amendé le texte.
– Patriotisme économique –
Le texte, adopté par l’Assemblée et en discussion au Sénat, prévoit « l’élargissement de l’assiette et le relèvement des taux de la redevance minière ». Il prévoit des taux allant jusqu’à 5% pour les « métaux stratégiques » (dont probablement le cobalt) et 6% pour les pierres précieuses. La loi fixe actuellement un taux de 1% mais qui a été relevé à 2,5% dans certaines entreprises.
Kinshasa abat aussi la carte du patriotisme économique: relèvement de la participation de l’État dans le capital des sociétés minières et sous-traitance exclusivement réservée « aux seules sociétés dont la majorité du capital est détenue par des Congolais ».
La RDC veut enfin la mise en œuvre effective du rapatriement de 40% des recettes des ventes de minerais à l’exportation.
Les multinationales ont estimé que ce nouveau code minier allait « affaiblir significativement la confiance des investisseurs », dans une lettre aux présidents des deux chambres.
Les signataires sont les filiales congolaises des géants du secteur, China Molybdenum, le Suisse Glencore, Rangold, l’Australo-Chinois MMG.
« Nos partenaires depuis quinze ans nous ont – le mot n’est pas fort – trompés et nous ont volés. Cela doit s’arrêter », avait tempêté en novembre le PDG de la toute puissante société publique congolaise Générale des carrières et des mines (Gécamines, capital 100% étatique), Albert Yuma.
– ‘Distributeur automatique de billets’ –
La RDC doit contrôler ses minerais comme « nos frères arabes avaient profité du contrôle du pétrole », avait ajouté M. Yuma, à la tête du patronat congolais et proche du président Joseph Kabila.
Dans l’esprit du nouveau code minier, la Gécamines annonce aussi des nouveaux partenariats avec une « répartition actionnariale plus égalitaire » en augmentant la part de l’Etat, actuellement de 17%, et l' »implication réelle et croissante des cadres congolais ».
Ce nouveau code et ces nouveaux partenariats suffiront-il pour que les richesses de la République démocratique du Congo soulagent la pauvreté des Congolais, qui se demandent parfois résignés : « Mais où va l’argent du pays? »
En juillet, l’ONG britannique Global Witness avait qualifié le secteur minier congolais de « distributeur automatique de billets » pour le régime de Joseph Kabila, dont le deuxième et dernier mandat constitutionnel a pris fin le 20 décembre 2016.
Début novembre, une ONG américaine, le Centre Carter, a estimé que 750 millions de dollars, générés par la production minière entre 2011 et 2014, n’avaient pu être retracés de « manière fiable » dans la comptabilité de la Gécamines.
« Une idiotie, un mensonge », avait réagi son PDG, M. Yuma.
Les enquêtes des « Paradise Papers » ont révélé en novembre que le Suisse Glencore avait mis la main à moindre coût en 2007 sur une mine congolaise par l’intermédiaire de l’homme d’affaires israélien Dan Gertler.
Ce proche du président Kabila est sous le coup depuis décembre aux États-Unis d’une loi qui sanctionne « des cleptocrates et des acteurs corrompus ».