« Je t’aime, moi non plus », semble rythmer les relations entre les deux tourtereaux dont l’idylle remonte en 1999 avec l’Accord de Lusaka. C’est à partir de la République Centrafrique où la RDC a déployé près d’un millier d’hommes au sein de la Minusca que New York a préféré régler ses comptes à Kinshasa. La réaction froide de l’Onu consiste à laminer le peu de crédit dont pouvait encore se prévaloir la RDC. C’est le décor parfait d’une confrontation qui promet bien des étincelles.
Le parfait amour entre les Nations unies et Kinshasa se conjugue désormais au passé. L’éjection précipitée du contingent de la RDC tient à cette logique. Après une série de menaces, précédées de nombreux actes d’indignation en rapport avec le comportement du contingent de la RDC déployé en RCA dans le cadre de la Minusca, l’Onu a décidé de passer à l’action en précipitant le départ des Casques bleus congolais du territoire centrafricain. Rien de surprenant quand on sait que c’est depuis longtemps que ces militaires et policiers congolais étaient sur la sellette. Ils étaient devenus plus que jamais gênants.
« Malgré des améliorations entre la première visite de pré-déploiement en novembre et la seconde en décembre, le département de maintien de la paix [de l’ONU] a estimé que les progrès accomplis jusqu’à présent remplissent seulement en partie les critères établis par les Nations unies », a expliqué un porte-parole du département des opérations des Nations unies, repris dans Mondafrique. Ne trouvant plus d’importance de maintenir sur le sol centrafricain les troupes congolaises, l’Onu a donc tranché. « Le bataillon de la RDC actuellement déployé dans la Minusca sera rapatrié sans être remplacé », a indiqué le diplomate onusien, sans autre précision.
Un acharnement qui ne dit pas son nom
En effet, les troupes congolaises ont été mises en cause dans plusieurs cas de viols ou de racket. Kinshasa s’était attardé à transmettre les éléments, se limitant à clamer le professionnalisme de son contingent en poste en RCA. Kinshasa est allé loin jusqu’à dénoncer un montage destiné à salir non seulement l’image de son contingent mais aussi à ternir l’image du pays. On croyait que l’affaire était classée. Nenni !
Mais, avec les derniers rebondissements, l’on se rend compte que les Nations unies ont pris tout leur temps. En novembre 2015, la rumeur était déjà répandue, une sorte de fuite organisée par l’organisation internationale elle-même afin de préparer les esprits. Plusieurs éléments de ce contingent ont fait l’objet d’accusations de viols ou d’abus sexuels. L’Onu a adopté une politique de réaction aux scandales sexuels à répétition qui éclaboussent les différentes missions.
Dans l’opinion, l’on ne s’explique pas cet acharnement des Nations unies sur les Congolais alors que d’autres contingents, notamment français, ont été également cités. Qui pis est, la volte-face des Nations unies arrive au moment où Kinshasa intensifie la pression pour une réduction des troupes de la Monusco en RDC.
La réaction des Nations unies contraste avec la prestation du contingent congolais. Une source diplomatique n’avait-elle pas déclaré que les militaires congolais « ont mené un travail exemplaire sur le plan sécuritaire ». En revanche, les « problèmes de discipline » et de « mauvaise conduite » ont miné la crédibilité de ce contingent.
Mauvaise réputation
C’est à croire que les militaires burundais ou rwandais seraient « plus efficaces » que les militaires congolais accusés « d’insuffisance de performance », d’indiscipline et de violences sexuelles par l’Onu. On dirait que la chair à canon burundaise ou rwandaise est préférable à celle offerte par la République démocratique du Congo. Une situation qui devrait faire réfléchir les uns et les autres sur l’image que le pays présente à l’extérieur.
Pour un expert congolais en relations internationales, « New York vient de confirmer à la face du monde que le régime de Kinshasa entretient et protège les auteurs de viols. L’Onu a frappé là où ça fait le plus mal, en cette période de tensions, la veille de l’organisation des élections particulièrement la présidentielle qui doit aboutir par l’alternance au sommet de l’Etat ». L’expert poursuit, toujours sous le sceau de l’anonymat : « Il n’y a pas meilleure manière de détruire l’image d’un régime, d’un pays en crise accusé à maintes reprises de violation sexuelle ».
Dans le cas qui semble avoir énervé l’ONU, selon le ministre Mende : « Les familles de deux accusatrices ont démenti les propos des jeunes filles. La troisième aurait refusé de rencontrer les magistrats ». Une preuve supplémentaire pour l’ONU que la RDC veut garantir l’impunité aux auteurs des viols tant à l’intérieur de ses frontières qu’ailleurs. Pire, selon des sources onusiennes, Kinshasa se serait apprêté à déployer des unités soupçonnées par l’ONU d’avoir participé à des crimes graves dans leur propre pays.
Lambert Mende avait toujours démenti. « La première fois, on a confondu délibérément le Congo-Brazzaville et le Congo-Kinshasa, détaille-t-il. La deuxième fois, ces familles, qui ont été visitées par des magistrats militaires congolais, ont démenti de façon formelle que leurs filles aient été violentées de quelque manière que ce soit par des militaires congolais et, donc, nous serions très étonnés que, sur cette base-là, l’on prenne des mesures contre la RDC. Mais je ne pense pas qu’il faille anticiper avant que la note officielle du Conseil de sécurité ne nous parvienne ». Aujourd’hui c’est chose faite, la décision est tombée.
Règlement des comptes
Deux logiques s’affrontent en République démocratique du Congo. Le discours nationaliste-souverainiste embouché par Kinshasa depuis l’approche de la fin du deuxième mandat du président Kabila serait à la base de ce désamour public. Kinshasa estime être capable désormais d’assurer la sécurité de l’ensemble du territoire national sans l’assistance de la Monusco et ses Casques bleus qui se la coulent douce dans les verdures congolaises.