Thambwe Mwamba reste formel : le sort des détenus de Makala, porteurs d’atteinte à la sécurité de l’Etat, pas à l’ordre du jour

Dans une interview à RFI, le ministre en charge de la Justice, Thambwe Mwamba, vient d’éclairer la lanterne sur, d’une part, le sort de certains détenus de Makala, responsables des atteintes à la sécurité de l’Etat et, d’autre part, sur la justice en RDC.

Voilà 15 ans que 42 personnes sont en prison à Makala à la suite de l’assassinat du président Laurent-Désiré Kabila. Elles sont toutes condamnées à mort ou à perpétuité. Est-ce qu’un jour, elles peuvent espérer retrouver la liberté ?

Alexis Thambwe Mwamba : En tout cas, ce n’est pas d’actualité pour le moment. Ces personnes ont été condamnées et purgent leur peine pour le moment à Makala. Le président de la république a pris certaines mesures de grâce- soit individuelle, soit collective- où étaient exclues des personnes qui entrent dans la catégorie des gens que vous citez notamment, disons, tous ceux qui ont porté atteinte à la sécurité de l’état. Donc pour le moment, ce n’est pas à l’ordre du jour qu’ils puissent espérer sortir de Makala un de ces quatre matins.

En janvier 2003, lors du jugement de ces personnes, le président de la cour a, lui-même, reconnu que l’enquête n’était pas terminée et depuis, plusieurs investigations ont révélé l’existence des deux suspects réfugiés à l’étranger. Il s’agit du garde du corps congolais Georges Mirindi et du diamantaire libanais Bilal Héritier. Pourquoi n’avez-vous jamais lancé un mandat d’arrêt international contre ces deux suspects ?

Des procédures sont ouvertes aussi bien au niveau de l’auditorat militaire que du parquet général de la république contre des personnes qui sont actuellement en fuite. Donc, ces personnes  n’échappent pas comme tel à notre justice. A un moment donné, nous ferons le nécessaire lorsque les dossiers seront bouclés au niveau de la république.

Est-ce qu’à ce moment-là on pourrait envisager une révision du procès ?

Je vous ai dit que ce n’est pas à l’ordre du jour. En tout cas, pour le moment.

Si deux des principaux suspects en fuite et si demain vous lancez un mandat d’arrêt international contre eux, est-ce qu’il ne faudra pas faire un nouveau procès ?

Les éléments pour les personnes qui sont actuellement à Makala sont très clairs. En ce qui les concerne, les procédures ont été achevées. S’il faut faire des nouveaux procès, ça sera contre les personnes qui seraient, aujourd’hui, en fuite.

Vous dites, pour le moment, rien ne changera. Mais, est-ce qu’on peut envisager, à terme, une loi d’amnistie pour ces 42 personnes parmi lesquelles, il y a une femme ?

Non, il ne s’agit certainement pas d’un cas qui rentre dans une loi d’amnistie. Ça serait tout au plus une grâce présidentielle. Mais, jusqu’à présent, dans le dossier que nous avons présenté pour la grâce présidentielle, nous avons exclu des cas qui ressemblent aux personnes que vous citez.

Ca ne vous gène que cette femme soit en prison depuis 15 ans ?

Si c’est une criminelle, c’est normal. La place des criminels c’est la prison.

Pour beaucoup d’observateurs, les faux coupables sont en prison et les vrais coupables sont en liberté. Est-ce qu’il ne serait pas temps d’envisager une mesure de clémence ?

Alexis Thambwe Mwamba : Non. Je pense que s’il y a des personnes qui ne sont pas encore condamnées, certainement qu’un jour elles le seront. Mais, on ne peut pas dire que des gens  qui sont condamnés, pour le moment et qui sont à Makala, sont des personnes innocentes. Ça c’est faux.

La RDC est membre de la cour africaine des droits de l’homme et de peuples. En 2014, celle-ci vous a demandé de libérer toutes les personnes qui restent en prison à la suite de cet assassinat et pour le moment, vous n’avez pas répondu. Pourquoi ?

Nous sommes un pays souverain. Et en tant que pays souverain, nous ne sommes pas obligé d’obéir aux injonctions qui proviennent de l’extérieur.

Est-ce que cela veut dire que vous ne reconnaissez plus cette cour ?

Nous la reconnaissons. Mais, si elle nous demande des choses qui sont impossibles par rapport à notre conscience nationale, par rapport à notre droit national, évidemment, nous ne pouvons pas appliquer.

Depuis un an, la communauté internationale déplore des nombreuses arrestations arbitraires. Parmi les personnes arrêtées figurent l’avocat Jean-Claude Muyambo, le leader de la société civile Christopher Ngoyi Mutamba, Fred Bauma et Yves Mkwambala. Est-ce qu’ils vont rester encore longtemps en prison ?

Les dossiers sont en instruction. S’agissant de l’avocat, ce n’est pas un problème qui est lié à la politique. L’avocat est poursuivi pour autre chose. Les autres que vous citez, les dossiers sont en instruction. Si à la fin de l’instruction il apparaît qu’il n’y a aucune preuve, ils seront libérés.

Dans son discours du 28 novembre dernier, le président Joseph Kabila a annoncé des mesures de grâce pour certains prisonniers. Christopher Ngoyi Mutamba, Fred Bauma et Makwambala pourraient-ils bénéficier de telles mesures ?

Ce n’est pas exclu. S’agissant des personnes qui sont dans les procédures d’instruction, le parquet général de la république pourra considérer qu’il y a main levée de poursuites si l’on estime que les dossiers ne sont pas suffisamment solides. D’autres dossiers sont en instruction au niveau du ministère. Il y a des libérations conditionnelles pour lesquelles je viens de signer 3 arrêtés qui vont permettre à plusieurs centaines de prisonniers- a peu près un millier- de sortir au courant de cette semaine.

Eugène Diomi Dongala, le président de la démocratie chrétienne a été condamné, il y a 3 ans, à une peine de 10 ans de prison. Est-ce qu’il va faire partie de ces milliers de prisonniers libérés ?

Pour le moment, il n’est pas sur cette liste. Nous avons exclu de mesures de libération conditionnelle des gens qui ont été notamment condamnés pour viol.

Maintenir en prison des personnalités comme Diomi Dongala, est-ce que ça ne terni pas l’image de marque de votre pays ?

Le fait d’être un grand leader n’autorise pas qu’on commette des viols. Donc, je n’exclu rien. Mais, on ne peut pas isoler son cas par rapport à d’autres qui sont dans la même situation. Son dossier se trouve effectivement sur mon bureau.

Le dossier Diomi est donc sur votre bureau.

Parmi d’autres. Oui.