Il le voulait, il était soutenu à bout de bras par l’ancien président de la Républiqué et autorité morale du Front commun pour le Congo (FCC) Joseph Kabila qui ne pouvait rater ce rendez-vous. Alexis Thambwe Mwamba a été élu ce samedi président du Sénat en République démocratique du Congo.
Une victoire nette par 65 voix contre 43 pour son adversaire Modeste Bahati, ancien membre de la plate-forme politique du FCC qui a refusé de courber l’échine face aux injonctions du pouvoir kabiliste. Le ministre de l’Economie estimait qu’en tant que seconde famille politique du FCC et vu la charte de cette plate-forme, un poste majeur devait revenir à son parti l’AFDC.
Ce mouvement de fronde n’a pas été du goût de Joseph Kabila et des siens qui ont donc décidé d’exclure Bahati de leur plate-forme, avant que celui-ci n’annonce à son tour qu’il quittait avec ses élus le FCC tout en demeurant au sein de la majorité. Une surenchère qui s’est poursuivie avec plusieurs débauchages et tentatives de débauchages dans les rangs du parti de Bahati et de ses alliés et même le dépôt de plaintes en justice contre Bahati sur base d’anciens dossiers filandreux ressortis à point nommé.
Un divorce pas vraiment à l’amiable qui devrait laisser des traces au sein du FCC. Car si La victoire de l’ancien Garde des Sceaux ne souffre aucune discussion, force est de se souvenir que la famille politique de Joseph Kabila et donc de Thambwe, même si officiellement celui-ci se présentait comme indépendant, dispose de 80 sièges sur les 108 postes éligibles du sénat (le 109e revenant au président sortant Joseph Kabila). Malgré les consignes strictes de l’autorité morale, malgré les mises en garde, malgré les dernières « invitations » adressées à tous les sénateurs de la Kabilie de se rendre à la veille du vote à la ferme de l’ancien président à Kingakati, quinze élus ont osé dire non au candidat Thambwe.
De son côté, Modeste Bahati doit reconnaître sa défaite mais doit aussi malgré tout se dire qu’il est parvenu à faire trembler l’establishment kabiliste qui n’a pas ménagé ses efforts pour mener campagne pour ce poste (voir la vidéo de campagne de Thambwe ci-dessous).
Modeste Bahati, en prenant le risque de se voir mis hors-jeu par ses « amis » du FCC, s’est aussi donné le droit d’exister politiquement.
Le ministre d’Etat, qui dispose d’un parti bien structuré, dont le coeur est au sud-Kivu mais avec des ramifications un peu partout dans le pays, ne pouvait demeurer les bras croisés sous peine d’être broyé par la machine d’un PPRD qui gère les composantes de sa plate-forme politique comme de simples vassaux.
Evidemment, en agissant de la sorte, Modeste Bahati s’est quasi inévitablement coupé de postes dans le futur gouvernement Ilunga, annoncé pour ce lundi 29 juillet. Le PPRD qui doit déjà céder un tiers des maroquins au Cach de Tshisekedi-Kamerhe ne fera aucun cadeau à l’AFDC. Mais Bahati peut espérer récupérer au fil des semaines les autres laissés pour compte du FCC qui ne manqueront pas. Il n’y aura pas de siège pour tout le monde et les mécontents pourraient être tentés d’aller voir ailleurs.
Boshab sacrifié
Sans préjuger de son comportement à venir; parmi les mécontents, on peut d’ores et déjà classer Evariste Boshab. Cacique du PPRD, l’homme qui se voyait Premier ministre quand Matata Ponyo est sorti de la manche de Kabila, était en lice pour la première vice-présidence du Sénat. Boshab lui aussi n’a pas ménagé sa peine pendant la campagne pour appeler ses « amis sénateurs » à voter pour lui (voir vidéo ci-dessous).
Comme Thambwe, il disposait a priori d’une base électorale PPRD suffisamment large pour être élu confortablement. D’autant qu’en face de lui, l’opposition ne paraissait guère dangereuse. Et pourtant, Boshab a été coiffé pour ce poste par l’ancien Premier ministre Samy Badibanga qui, à la surprise générale a raflé 60 voix contre 44 à Boshab.
La pilule est amère pour Boshab, abandonné par les siens au prix de ce qui ressemble à un grand sacrifice sur l’autel d’un deal général dans la perspective de la répartition des ministères dans le tout prochain gouvernement. Badibanga, même s’il a fait de solides infidélités à l’UDPS au moment d’accepter le poste d’éphémère Premier ministre, même s’il a fondé sa formation des « Progressistes », n’en demeure pas moins un proche de certaines pointures de l’UDPS qui ont partagé avec lui de longues années d’errance en Belgique…
« Après Emmanuel Ramazani Shadary, sacrifié lors de la présidentielle au profit de Tshisekedi, Boshab est à son tour sacrifié au profit d’un ami de Tshisekedi », lance un membre du PPRD. « Même si ces deu x politiciens ne sont pas les plus populaires au sein du parti, ça fait réfléchir sur le soutien qui nous est réellement apporté par l’autorité morale », poursuit-il.
Le nouveau bureau a été nstallé et a enfin refermé le règne de l’ancienne équipe installée en tout début début 2007 sous la férule de Léon Kengo wa Dondo.
Cette élection permet aussi de clore la session extraordinaire ouverte en avril. La prochaine session ordinaire est annoncée pour le 15 septembre.