Violences en RDC: inquiétudes de l’opposition et des journalistes

Une vive tension était perceptible mardi à Kinshasa, au lendemain de l’échec

Le bilan humain des violences en République démocratique du Congo avancé par le Haut Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme est lourd : 50 morts et 77 blessés. Les autorités congolaises font, elles, état de 32 morts. Le gouvernement et le rassemblement de l’opposition s’accusent mutuellement d’être responsables de ces violences. La police est chargée d’arrêter tous les suspects des évènements de lundi 19 et mardi 20 septembre. Ces interpellations visent les auteurs, les complices, les organisateurs, mais aussi ceux qui ont financé les manifestations, selon les mots du procureur général de la République.

Les principaux opposants de RDC vont-ils être arrêtés ? Depuis lundi, officiellement, la police nationale est instruite d’arrêter tous les suspects dans les événements des journées de lundi 19 et mardi 20 septembre, auteurs et complices, ceux qui ont organisé, financé. C’est ce qu’a annoncé le procureur général de la République.

Le président, le gouvernement et la majorité accusent le Rassemblement d’avoir planifié la violence sous couvert de manifestation pacifique pour le respect de la Constitution. Le Rassemblement lui, accuse le pouvoir d’être responsable, d’avoir délibérément tué des manifestants pour casser la contestation. Me Georges Kapiamba fait partie du Rassemblement des forces acquises au changement, qui avait appelé à manifester à Kinshasa. Il est également le président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice (Acaj), une organisation de défense des droits de l’homme. Il a réagi aux propos du procureur général de la République : « Il y a un certain nombre de choses qui nous gênent, notamment le fait qu’il soit précisé que les dits auteurs et complices se recruteraient dans les rangs de l’opposition. Et si ce n’est qu’un début d’une enquête, ces personnes jouissent de la présomption d’innocence, notamment le fait qu’ils aient déjà annoncé l’interdiction de voyage aux personnes dites ou considérées comme auteurs et complices. Donc il s’agit là déjà d’une mesure qui nous paraît être irrégulière qui est déjà prise, parce qu’on ne peut pas de manière collective prendre une pareille mesure ».

Autre sujet d’inquiétude, le fait que le parquet envisage de sanctionner les auteurs et complices, ceux qui ont organisé ou financé la contestation : « Au regard de la loi congolaise, le parquet ne sanctionne pas. Le parquet est un organe de poursuite. Donc cela nous fait croire qu’il a déjà une décision derrière sa tête, celle qui consisterait à arrêter l’ensemble des membres de l’opposition, regroupés au sein du Rassemblement, afin de les réduire au silence et ainsi penser mater toute la revendication qui vise le respect de la Constitution et l’organisation des élections dans les délais constitutionnels».

Les autorités silencieuses sur les journalistes

Les journalistes eux aussi sont préoccupés. Plusieurs d’entre eux, dont la correspondante de RFI, Sonia Rolley, ont subi des violences de la part des forces de l’ordre lors des troubles du début de la semaine dans la capitale. Les autorités ont certes fait le bilan des violences qui avaient secoué la ville : des personnes tuées et blessées, des bâtiments publics saccagés, des sièges de partis politiques incendiés, mais pas un mot sur les violences faites aux journalistes par les forces de sécurité. « Pendant cette journée, nous avons, nous, enregistré au moins une dizaine de cas de journalistes qui ont subi des violences de la part des forces de sécurité. Des journalistes dont le matériel de travail a été arraché, des journalistes qui ont été détenus pendant de longues heures, qui ont été malmenés, violentés même et dont on a arraché le matériel de travail et même le téléphone. Et personne n’en parle », s’étonne l’association congolaise Journaliste en danger qui veut attirer l’attention des autorités pour que des enquêtes puissent être menées et que les personnes qui s’en sont prises à des journalistes puissent êtres identifiées.

Tshivis Tshivuadi, le secrétaire général de l’association de journalistes réclame que « des sanctions soient infligées à ces personnes pour que de tels cas ne puissent pas se reproduire, alors que tout le monde sait que le pays rentre dans une zone de turbulences politiques et que des journalistes vont être exposés par rapport à leur travail. Il faut donc que les autorités puissent lancer des signaux clairs pour dire que des journalistes, et plutôt les médias, doivent pouvoir faire leur travail dans cette période assez trouble que nous allons commencer ».

Les services de sécurité épinglés par les Nations unies

Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a adressé jeudi 22 septembre une forte mise en garde contre la détérioration de la situation en République démocratique du Congo. Dans un communiqué, Zeid Ra’ad Zeid Al-Hussein s’est dit « profondément attristé » et a sérieusement condamné les violences dans les rues de Kinshasa dénonçant l’usage excessif de la force par les services de sécurité, et notamment une propension inquiétante de tirs à la tête et à la poitrine.

 

rfi.fr